La vie de groupe est donc un des plaisirs de Dano. Là-bas, pour nous, le mot « association » prend tout son sens. Pourtant, j’aime les moments où je me retrouve seul dans la chambre. En général, j’y nettoie mon matériel, la caméra surtout qui a pris de la poussière toute la journée.
Ce moment de solitude me renvoie aussi à 2005, l’année de mon premier voyage dans la région, une période difficile. Dans un texte pour une part autobiographique (et gigogne) j’ai raconté ce voyage :
« En février, alors que nous séjournions dans une région de brousse, l’Afrique que je retrouvais avait perdu sa magie. Dans le carnet que je tenais alors, je relis ces phrases : “Du temps et de la distance, un changement de cadre, il est vrai sans grande surprise, comme si pour le moment la crise que je vis faisait encore écran entre les choses et moi. (…) Le temps passe en Afrique, je traverse des paysages extraordinaires, vis des heures fortes, touchant de près ce qu’on peut appeler la misère. Ici, hommes et femmes sont démunis de tout, luttent au jour le jour pour survivre, sont confrontés régulièrement à la mort de leurs proches. Ce n’est pas une surprise pour moi. Je me sens en terrain connu et le parfum de l’aventure s’évente. Signe que j’ai vieilli sans doute; le même voyage il y a vingt ans m’aurait secoué davantage.” Les chambres dans lesquelles nous logions étaient extrêmement rudimentaires ; certains d’entre nous ne disposaient pas même de l’eau courante ; mais je regagnais tous les soirs avec soulagement ma paillasse, pour penser, essayer de comprendre ce qui était en train d’arriver. »
Depuis, je suis retourné plusieurs fois à Dano et mon regard a changé : je suis moins misérabiliste, même si je n’ignore pas pour autant les difficultés du pays. Peut-être mes propres difficultés se sont-elles éloignées ou n’est-il plus d’actualité de récupérer l’expérience vécue à des fins ouvertement romanesques. Ma démarche est différente parce qu’elle s’inscrit davantage dans le collectif ou tout simplement l’amitié; dans l’action, en fin de compte, aussi modeste soit-elle… La chambre, cependant, reste un besoin, un lieu de dialogue avec moi-même et, éventuellement, de relative sérénité (mais je ne suis pas sûr de la justesse de ce terme).
PS : comme me l’a indiqué un ami, le Burkina Faso est 179ème sur les 185 pays comptabilisés dans le calcul de l’IDH (indice de développement humain).