Un jour, Marine et moi avons fait une halte à Halls Creek, dans le sud du Kimberley, car il nous fallait refaire le plein et acheter quelques victuailles. Je me rappelle son sourire lorsqu’elle a trouvé une plaquette de chocolat Milka, découverte pour le moins étrange dans un pays aussi perdu. Je me souviens aussi de cet Aborigène retirant des billets au distributeur ATM, probablement pour s’acheter des biscuits. Plus loin, à Fitzroy Crossing, nous avons traversé une sorte de cage qui tenait lieu de bar à bière. La beuverie était générale et nous avions la gorge serrée.
Jusqu’à présent, j’ai eu beaucoup de difficultés à parler ou à évoquer cette réalité-là. Marine et Pauline, qui ont vécu pendant plusieurs semaines en « territoire aborigène », savent combien on a vite fait de proférer des banalités ou, pire, des conneries. Le fait est que le gouvernement australien subventionne des populations que la « modernité » a « dénaturées ». Le distributeur leur distribue du fric dont elles n’ont « culturellement » aucun usage mais qu’elles dépensent massivement en sucreries et en alcool (à des heures et dans des lieux hypocritement « réglementés »). Si je mets des guillemets, c’est que tous les mots sont des pièges sur le sujet. Ils me renvoient à mon malaise. Ils modalisent mon sentiment de cécité.