Orane Demazis a été l’une des conquêtes de Marcel Pagnol ; on peut dire, du point de vue qui est le nôtre aujourd’hui, qu’elle frise le ridicule dans la Trilogie ; mais ce n’est pas ce qui l’empêche d’avoir son impasse à Marseille, dans les quartiers Nord, à quelques pas de la Cité de la Solidarité. Ici font face aux barres délabrées de petits pavillons surmontés de fils barbelés. En redescendant du temple bouddhiste qui domine la situation (Vatt Marseille, chemin de la Bigotte), j’ai pu échanger quelques mots avec une famille occupée à réparer son grillage. La veille, des inconnus avaient saccagé cette barrière de défense, endommagé les volets et visité l’intérieur. Le monsieur m’a dit de prendre des photos. Selon lui, l’immeuble d’en face était un mirador. « Ils » savent quand on part, « ils » viennent se servir. La formule m’a rappelé ce que m’avait dit un propriétaire ghanéen dans des circonstances comparables : « You put, they take, you put, they take… » C’était au milieu des années 80.
À Marseille, aujourd’hui, en quelques minutes, dans un périmètre très restreint, venaient en tout cas se bousculer les pagnolades, l’encens et l’esprit du Bouddha, la mosquée d’immeuble, la misère et la violence sociale, le désarroi des familles, la course d’une enfant et même le sourire de joueurs de boules vietnamiens.
Tout un monde.