Je pense à ces vers d’Apollinaire :
Il y a les fleuves qui ne remontent pas leur cours
Il y a l’amour qui m’entraîne avec douceur
Il y avait un prisonnier boche qui portait sa mitrailleuse sur son dos
Il y a des hommes dans le monde qui n’ont jamais été à la guerre
Il y a des Hindous qui regardent avec étonnement les campagnes occidentales
Ils pensent avec mélancolie à ceux dont ils se demandent s’ils les reverront
Car on a poussé très loin durant cette guerre l’art de l’invisibilité
Nous sommes en 1915. Apollinaire est dans la boue des tranchées, celles de la sinistre et absurde Europe en guerre. Il pense à Lou qui l’attend peut-être à l’arrière ; il pense au boche d’en face; il pense aux autres mondes qu’il croit intacts, lumineux.
Je pense aux images de La ligne rouge de Terrence Malick, d’une beauté déchirante : le répit de ces soldats nageant dans le lagon avec des gamins, loin du bruit des bombes.
Je pense aux enfants que j’ai croisés et photographiés sur une plage du bout du monde cet été. Ils grandiront. Ils connaîtront leur lot de souffrance, entreront dans la grande roue des choses. Pourtant, aujourd’hui, leur innocence est un réconfort. Comme les Hindous d’Apollinaire, ils s’étonneraient de ce qu’ils ignorent encore. Puissent-ils en être le plus longtemps préservés.
Beaux textes ! Voie lactée, Oh soeur lumineuse…
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