Au bas d’une des statues monumentales de Shiva aux Elephanta Caves, dans la baie de Thanes, une petite balle portugaise est venue se loger. Le guide vous la montre et elle brille, en dépit de la relative obscurité. D’après Antonio Tabucchi(*), c’est la peur qui conduisit les premiers Portugais, au début du XVIème siècle, à détruire une bonne partie de ce panthéon de l’hindouisme. J’ai songé quant à moi que, décidément, l’homme ne changeait guère ; hier à Bâmiyân, aujourd’hui à Palmyre, il continue de détruire, au nom de Dieu.
La spiritualité, en Inde, est partout. L’hindouisme est religion d’État et on prête au gouvernement de la droite nationaliste, celui de Modi, l’intention de marginaliser encore davantage les autres religions (14% de musulmans, 2% de chrétiens, des sikhs, des juifs, des bouddhistes, des jaïns qu’on aperçoit marcher pieds nus au bord des routes avec leur petit balai destiné à écarter le moindre vermisseau risquant d’être écrasé.) Les adversaires politiques du premier ministre, les membres du Congress (ancien parti de Gandhi), semblent plus tolérants. Mais nous sommes en démocratie et c’est Modi qui a gagné les élections. Le mot d’ordre de son parti, le BGP, est « l’Inde aux hindous ! » Et c’est désormais la statue de Gandhi qui se voit déboulonnée…
Un temple jaïn est un endroit étrange et merveilleux. En 2009 j’avais eu l’occasion de visiter celui de Malabar Hill. Cette année, j’ai vu deux fois, à des heures différentes, celui situé derrière la gare de Goresgaon. Autant le dire, le rituel – en dehors des mains jointes – reste opaque pour l’observateur néophyte. Mais c’est beau, vibrant, quelque chose vous touche que vous ne comprenez pas. Tout près de St Pius se trouve le Umiya Temple, hindou celui-ci, à ne pas confondre donc avec le jaïn. Un après-midi, alors que le reste de la troupe fait la sieste (ou peut-être joue au loup garou !), je décide d’aller fouiner un peu. Que d’agitation ! Quel monde ! Les mariés sont fêtés et me voilà littéralement désigné photographe officiel ! Bijoux, soieries, étoffes diverses, parures de toutes sortes, et fleurs partout. Après le départ des novis (en voiture de luxe), le temple retrouve son calme habituel. Je photographie des motifs, des statues, des objets qui me restent étrangers (à l’exception du bon Ganesh, le dieu de la chance à tête d’éléphant).
Enfin, un joli moment, un dimanche. Nous assistons à la First Profession of Tarika and Vanitha in the Society of the Daughters of The Heart of Mary. En d’autres termes, aux vœux de deux jeunes novices. L’une d’entre elles est adivasi. Ses parents visiblement ne parlent ni l’anglais ni le marathi. Ils viennent du Nord d’après ce que j’ai compris. L’autre, portant des lunettes, est semble-t-il fille de bonne famille. Tous sont sur leur 31 mais je trouve touchant le blanc pur des robes des novices. Les FCM sont environ 300 en Inde, réparties sur l’ensemble du territoire à l’exception de l’extrême Nord et des états situés à l’Est du Bengale. Nullement prosélytes, elles s’engagent dans le travail social – comme on l’a compris depuis le début de ce reportage. En civil et non sous le voile, elles considèrent que leurs prières sont leurs actions. Une manière de vivre leur foi alors que l’Enfer, me dira Pascale, consiste tout simplement à être séparé de l’amour de Dieu.
(*) Antonio Tabucchi, Voyage et autres voyages, Gallimard.
L’Enfer, me dira Pascale, consiste tout simplement à être séparé de l’amour.
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