La visite des classes est un rituel de nos voyages au Burkina. Tout s’y passe selon un protocole immuable. Excitation des enfants avant notre arrivée, entrée solennelle (élèves debout), salutations collectives (« Bon / jour / Mô / sieur // Bon / jour / Ma / dame // Ça / va / bien »), questions, réponses timides parfois, petits messages d’encouragement, etc. Disons-le, ce n’est pas la situation que je préfère tant elle est artificielle. Il arrive cependant que de vrais débats s’engagent. Ce fut le cas cette année avec les 4èmes du collège de Kokoligou. Intéressant.
Le taux de scolarisation au Burkina est encore faible mais progresse peu à peu. 63 % dès enfants vont à l’école primaire. Les classes sont évidemment surchargées et le collège reste encore difficile d’accès. Ces dernières années, nous avons établi un système de parrainages et œuvré pour la construction de latrines. Évariste, que nous retrouvons par le miracle du téléphone arabe, nous a donné rendez-vous dans un maquis. Responsable de l’association « Diébougou ville propre », il nous montre deux latrines réalisées par les parents d’élèves que nous avons soutenus. Surprise, l’école concernée est une madrasa… J’en conclus qu’une association d’obédience catholique s’honore d’aider aussi les enfants musulmans, quand bien même elle ne l’aurait pas initialement prévu. Avant que nous ne repartions, un parent d’élève nous salue avec beaucoup de chaleur. Ce géant appartient visiblement au staff de l’association des parents d’élèves. Ces associations, présentes un peu partout, sont attentives aux conditions de travail des enfants. À Djinjerma, c’est la cantine que l’ASPA a financée depuis quelques années. Bientôt il en sera de même à Kari. À Kokoligou, les parents achemineront le matériel nécessaire à l’extension du collège. Ce sera notre prochain projet pilote.
Bien sûr, rien n’est simple et les difficultés sont importantes pour beaucoup. Des parents ne peuvent ou ne veulent pas payer les cotisations exigées. Certains élèves, qui pourraient poursuivre leurs études au-delà de l’école, en sont empêchés faute de moyens. Les enseignants sont mal payés et vivent parfois séparés de leurs proches, comme la directrice du collège de Kokoligou, exilée pour trois ans dans le Sud alors que son mari est en poste à Ouaga. On me dira que ce type de problèmes se rencontre en France. De fait, les systèmes sont sur certains points comparables et j’ai noté avec beaucoup d’intérêt les évolutions pédagogiques en vigueur au Burkina. Depuis quatre ans les enseignants ont changé la disposition des bancs à l’intérieur de la classe. L’enseignement, moins frontal semble-t-il, expérimente la pédagogie différenciée, les travaux de groupes, le tutorat entre élèves. La salle désormais s’organise en îlots réunissant cinq ou six élèves appelés à coopérer. Plutôt une bonne méthode selon moi…