LA MARCHE DE MONSEIGNEUR

L’évangélisation des populations animistes du Sud-Ouest de l’actuel Burkina Faso a commencé dans les années 30 du dernier siècle et elle se poursuit aujourd’hui. Nous marchons depuis un moment dans une nature magnifique, piquée de baobabs et d’arbres à néré ou karité. En chemin quelques paysans nous saluent, cultivant le mil près de leurs concessions modestes. C’est le pays Lobi, un des plus reculés et des plus mystérieux de l’Afrique de l’Ouest. Ici, l’immense majorité de la population vit dans des conditions précaires, peu soucieuse des affaires du temps et du train des choses.

Que faisons-nous dans ce décor de livre de géographie ? Avec Eulalie Dabiré, nous cherchons l’évêque de Diébougou, Monseigneur Der Raphaël, que la rumeur a posé quelque part par ici, non loin de l’emplacement aménagé où, le soir-même, aura lieu la fête pastorale. Nous bifurquons plusieurs fois sur le chemin sablonneux, nous avançons à l’aveuglette, quand trois adolescents nous viennent en aide. L’homme en blanc est sur la butte, vers là-haut, il s’est arrêté près des cases…

Il faut imaginer la scène. Nous débarquons au beau milieu d’une visite pastorale, une séance d’évangélisation faite par le plus haut dignitaire religieux de la région, en soutane, assis parmi les membres d’une famille Lobi animiste qui, probablement, ne comprend rien à ce qui lui est dit. Parmi les enfants, une gamine a grimpé sur un arbre pour picorer des fruits. La mère, visiblement au centre des enjeux, est assise sur un tabouret, le visage incliné vers le sol, immobile lorsque l’évêque trace sur son front le signe de la croix. Le Notre-Père a été prononcé en lobiri, la langue locale, alors que des poussins traversaient la cour, chatouillant les orteils de l’évêque.

Monseigneur Raphaël Dabiré est un homme fort sympathique. Nous le connaissons depuis notre voyage de 2010. Sa présence dans ces lieux fait partie de son travail et de ses préoccupations. Dans la tradition catholique, il était aujourd’hui le berger et moi je l’ai observé sans filmer (pas osé), presque sans photographier (seulement à sa demande), avec la nette impression d’entrer non plus dans un livre de géographie mais d’histoire, dans une image d’Épinal si on préfère, une sorte de scène figée de la tradition religieuse voire romanesque, alors qu’il s’agissait plutôt d’une rencontre impromptue, d’un moment de partage, fondateur peut-être, éphémère sans doute, sous le signe sinon de Dieu, du moins de l’humanité capable de marcher.

 

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