Avec une certaine gourmandise, mon père se disait parfois philologue et aimait à interpréter l’étymologie de la ville d’Hazebrouck (59) : le « pont de la lièvre », disait-il, alors qu’on pourrait y voir aussi le « marais », voire le « marais de la brume », d’origine anglo-saxonne (peut-être confondait-il « haze » et « hase » et moi le brouillard avec le cannabis ?). Si un habitant d’Hazebrouck lit cet article, qu’il éclaire nos lanternes… Toujours est-il que prenant nos quartiers à Ħaż-Żebbuġ j’ai rapidement pensé à Lulu en imaginant que nous logerions au « lapin aux olives » ! Oui, à Malte, Żebbuġ, c’est l’olive (pourtant introuvable dans l’île), et les Maltais aiment le lapin. Le dimanche tout particulièrement, ils prennent d’assaut les restaurants populaires pour en consommer, dans un esprit très famille qui fait plaisir à voir. Pour le reste, j’ai passé le séjour à me demander très sérieusement ce que signifiait être Maltais. C’est pour moi un mystère que, par paresse cependant, je n’ai pas vraiment cherché à lever. Un Maltais élève des murs de pierres calcaires en paraissant mépriser les affaires de remembrement ; il ne roule ni à gauche ni à droite mais au milieu de la route ; il chasse des oiseaux, assis sur un pliant à l’abri d’une cabane de planches ; il prie dans les églises et se signe dans l’avion, bois de l’eau dessalée et ne cultive ni l’orange ni l’olive donc, contrairement à ce qu’on pourrait un peu vite supposer. Quant à l’histoire de son île, elle hésite entre le fracas, la bravoure, l’opacité et une singulière placidité. Nous fûmes, quoi qu’il en soit, impressionnés par l’épaisseur des bastions innombrables à l’abri desquels on vaque à ses occupations. Se marier par exemple, en se faisant « beaux comme des astres » (et là, je pense à ma mère) !
Demain, suite et fin du carnet.
Alain, je n’aime rien tant qu’à apprendre à te connaître quand tu parles de tes anciens à toi, au détour de tes récits de voyages (déjà en eux-même intéressants sans même parler de leur écriture), qui t’envoient ça et là dans l’espace et là et ça dans le temps. Cela a toujours la délicatesse d’être aussi instructif que touchant.
Hazebrouck !!! J’y ai accompli mon premier stage de journaliste « vrai », pour La Voix du Nord. Il y a trente ans pile !
Que dire de racontable ? Que j’ai vécu pendant deux mois sur la place de l’église (qui sonnait tous les demi-heures, rogntudju !) chez l’habitant. Heureusement qu’il avait une fille charmante. Que j’ai participé à une inoubliable moisson et fête de la Saint-Jean avec un groupe folklorique local flamand (et non pas flamingant) qui avait réussi (Haegedorn) à enregistrer un disque que ma maman conserve. Que j’ai découvert les champs de houblon. Et, Alain, que cela a été mon premier contact – via un opéra-ballet – avec le mythe d’Orphée. Dans la couverture que j’en avais faite pour le journal à l’époque, j’espère ne pas avoir écrit trop de bêtises. Heureusement que vingt-cinq ans plus tard, tu as, en un autre lieu dont il m’arrive d’être nostalgique, largement contribué à en affiner ma perception.
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Affiner la perception. C’est bien ce que tu fais avec tes articles. Tout ça est plein de vie, portrait du maltais en quelques lignes, et un ton qui n’appartient qu’à toi, la petite musique du style…
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Merci les amis ! Vincent, j’adore ton post. Je ne savais pas que tu avais débuté à la Voix d’Orphée du Nord ! François, je vois que tu apprécies les formes courtes !
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