J’allais en Afrique rechercher les racines. Je visitais des forteresses portugaises. J’écrivais.
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Mon ami Denis Gabriel, apprenant que je me rendais au Brésil, m’a aussitôt parlé de Natal, d’un séjour qu’il y avait passé voici une vingtaine d’années. Il ne sera peut-être pas content que je le dévoile (mais le scoop n’a rien de planétaire), nous avons le projet de nous rendre au Ghana ensemble pour des recherches sur les forts. Ce printemps, il m’a dit : « Va à Natal, va visiter le château dos Reis Magos, tu ne peux pas manquer ça ! » Et maintenant il est passé 17h, le taxi vient de me déposer près de la plage, je cours dans le sable, je m’égare dans la mangrove, je perds le cache de mon appareil photo sans m’en apercevoir (une de mes spécialités), je change de direction, finis par trouver le chemin menant à la jetée et photographie le fort avant que la lumière ne tombe.
L’hôtel est à l’autre bout de la ville curieusement partagée en deux par le très étendu parc des dunes. Ma chambre occupe une sorte de tour, un mirador si l’on préfère, j’ai l’impression d’être dans une cabine de capitaine au plus haut d’un navire. Pour les deux jours suivants, je me rends aussi à Tibau do Sul, à deux heures de bus de là. Impression consacrée : bout du monde ! surtout si l’on passe le chenal et suis la plage sans fin. Ou bien le bout du nez du Brésil, son grain de beauté le plus proche de l’Afrique. Éblouissant et sans quad à l’horizon (une spécialité de Fortaleza cette fois) !
Ces heures sont précieuses. J’ai cessé de prendre des notes. Je vis. Et la rédaction de ces carnets, aujourd’hui, faute de traces écrites, glisse peu à peu vers une liberté, vers une attention à soi, aux émotions éprouvées là-bas, pas davantage. Que dire d’ailleurs de neuf d’une « plage de sable blanc » ? Le poids en tonnes de la production de noix de coco locale ? Le dernier rapport sur les ravages du cocos nucifera (le Brésil semblerait épargné) ? Non, un cocotier se photographie – on ne peut d’ailleurs pas s’en empêcher -, dans la douce satisfaction de fabriquer un cliché et d’être en accord avec la beauté du monde, fût-elle partout conventionnellement dupliquée. Profite, Alain, promène-toi dans tes cartes postales, « prends-en plein les yeux ! »
Le dernier matin à Natal, avant de partir pour Salvador, je veux retourner au fort pour visiter l’intérieur, le voir sous une autre lumière. Le taxi me dépose au même endroit que l’autre soir mais semble intrigué par un attroupement. Là, sur la plage où j’espérais retrouver le cache de mon appareil, gît un cadavre. C’est une pauvre forme molle à quelques mètres du parapet, à deux pas des palétuviers, sur le sable. Une nouvelle fois, je fais le grand tour pour accéder au fort, entrer par sa porte principale, et monter jusqu’aux remparts. Au loin, le corps est toujours à la même place. On le confondrait maintenant avec un gros caillou plat. Quelques flics, quelques curieux (et encore), restent à bonne distance.
Le journal O Globo, le surlendemain, parle d’un homicide Praia do forte.
Corps non identifié.
Oh Rimbaud, tu as trouvé le dormeur de la plage !
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Merci Vincent, je suis aussi passé à Fortaleza et je n’ai pas particulièrement aimé cette ville. Mais ma visite a été très courte. Mon impression est trop fugace pour valoir quelque chose. Voilà aussi pourquoi je n’ai pas écrit d’article à son sujet.
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