
Lorsque nous avons survolé Hong Kong, nous ne nous doutions de rien, tout à notre admiration de cette ville surgie des brumes, debout face aux vastes étendues de la Mer de Chine méridionale. En ces premiers jours de l’année 2020, le gratte-ciel de l’International Commerce Center affichait ses vœux de prospérité à la Terre entière et Nathan Road, où nous logions, connaissait le train de ses activités ordinaires, aucune manifestation anti gouvernementale, parapluies rangés, business permanent.
Plus qu’une ville, Hong Kong est un territoire composite, archipel, où coexistent béton, verre, acier, eau, sylve, traversé d’innombrables humains de toutes origines, affairés, courant, comptant, vendant, priant dans l’apparent équilibre des mondes industrieux. Quand, le matin, j’ouvre le rideau plastifié de la baie vitrée, depuis des heures s’anime en bas l’artère commerçante. Au marché Mong Kok les poissons frétillent dans leurs bacs, les crapauds s’agglutinent au fond des cages. Une mariée traverse Canton Road. Comme sortis d’un vieux film, de vieux Chinois s’absorbent dans leurs registres des comptes. Nous sommes le 5 janvier 2020 et personne, pas même les diseuses de bonne aventure de Wong Tai Sin Fortune-Telling, n’imagine ce qui circule déjà à bas bruit et fera en quelques semaines le tour du monde. Ce n’est que le soir, à Central, que la ville se vide. A posteriori, me dis-je, c’est une grande répétition qui se joue au pied de la tour de la banque de Chine. Les humains disparus, enfermés dans leurs cages de verre, cèderont pour un temps leur place aux flamants et autres bêtes à poils ou à plumes. Que cela dure un peu, et ce sera, depuis les abrupts du Victoria Peak, le débordement des arbres dans les rues, une gangrène, et bientôt l’irréductible étouffement de la ville par la jungle triomphante.



























































