
Encore un autre jour, en décembre 2012, je me trouvais dans le métro qui relie Manhattan à l’aéroport John Fitzgerald Kennedy et j’ai pu me dire à ce moment-là – ou bien est-ce un peu plus tard dans l’avion – que je n’avais pas été séduit par New York, que quelque chose n’avait pas fonctionné. Notre voyage (j’étais en compagnie de Pauline et nous avions rejoint Manon) avait été précédé de beaucoup d’excitation, d’échos tous plus encourageants les uns que les autres : « Quelle chance ! Vous allez vous régaler ! » Nous avions évidemment eu grand plaisir à nous retrouver… Pourtant, regardant par la fenêtre de mon wagon, je n’étais pas certain d’être parvenu à sortir cette ville de l’irréalité où jusque-là je l’avais tenue, partant bredouille en quelque sorte, sinon frustré du moins maussade. « J’ai rêvé New York », chantait Yves Simon dans les années 70. Et moi j’en partais sans révélation, sans émotion.
La photo du jour a été prise le 30 décembre 2012 à 12h24 presque 25, depuis le métro. Je me souviens que j’avais fait une série là-dessus, le trajet jusqu’à l’aéroport, pour essayer de saisir quelque chose, sans grand résultat. Beaucoup de photos sont floues et leur intérêt est nul.
Alors ? Alors je regarde de près cette photo de composition toute classique. Au premier plan, en contrebas de la voie du métro, une large avenue, sans encombrement, au-dessus d’une autoroute perpendiculaire. Un bâtiment massif au second plan se détachant sur un ciel de traîne. À gauche, une station service ; derrière, à droite, d’autres voies aériennes de circulation. Plus loin, des bâtiments d’apparence industrielle et une ligne d’arbres marquant l’horizon. Une seule silhouette bien distincte : un homme de dos venant de traverser la chaussée et se dirigeant vers le grand bâtiment.
C’est ce que saisit l’appareil cet après-midi-là. Mais serait-il possible aujourd’hui de retrouver l’emplacement exact de la photo et, mieux encore, d’en connaître le hors-champ ? Avec un téléphone portable, on peut éventuellement retrouver les lieux d’où ont été prises des photographies. Mais l’appareil numérique que j’utilise le 30 décembre 2012 ne le permet pas. Il m’indique le jour et l’heure du déclenchement mais pas sa situation exacte dans l’espace. Si l’on veut retrouver ce coin, savoir par exemple vers quoi se dirige l’homme de dos, il faut regarder encore de plus près et trouver un indice. C’est facile… En bas à gauche le panneau indicateur nous met logiquement sur la voie. ÉLÉMENTAIRE ! Le segment d’autoroute passant sous l’avenue est proche de sa sortie 6, direction Jamaica Ave et Hillside Ave. Un petit tour par Google et le tour sera joué : repérage de JFK Airport, repérage de la voie du métro, recherche de Jamaica ave, zoom, repérage des carrefours passant à proximité de la ligne de métro en direction de l’aéroport, zoom, passage en 3D, street view, etc. Un jeu d’enfant…
Peut-être que ce 30 décembre 2012, après avoir passé un coup de fil au (718) 340 – 3422, le petit bonhomme se rendait-il à la compagnie de stockage et de déménagement Morgan Manhattan ? Imaginons qu’il ait eu besoin d’un devis ou qu’il se soit déplacé pour une réclamation quelconque. Mais non, c’est idiot. Nous étions dimanche ce jour-là et, vérification faite, le rideau de l’établissement est baissé. À mon avis il ne pouvait pas non plus se diriger vers le Queens Auto Mall puisque cet établissement n’existait pas en 2012. En revanche, il n’est pas exclu que son intention était de rejoindre le Phil « Scooter » Rizzuto Park où l’attendaient, pourquoi pas, son épouse et leur enfant occupé à observer les canards qui fréquentent les lieux.




New York ou le mauvais rêve
Pour moi, NYC est surtout un souvenir proche du mauvais rêve.
Comme tout le monde, j’en rêvais et y suis allé en Mars, au milieu des années 90.
Aéroport JFK crapoteux et mal fichu, temps gris et même pas pluvieux. Hôtel moins que quelconque tenu par une polonaise dans le downtown, tout près du célèbre et bien nommé hôtel Algonquin où les breakfast, chers, étaient sublimes et me consolaient de l’hôtel.
Quelques souvenirs et désillusions :
-D’abord et surtout, ce sentiment d’écrasement par les « skyscrapers », tellement différent de celui, majestueux que j’éprouve à Chamonix où c’est la nature qui me domine et pas le délire vaguement mystique d’architectes et de spéculateurs qui se la jouent « la mienne est plus érigée que la tienne ». Pathétique…Toute personne vivant en dessous du 30° étage se prend ici pour un esclave…Je connais mal Hegel mais quand même…
-Ensuite cette ville misérablement riche qui étale son « opulence » comme une péripatéticienne trop fardée. Fardeau de l’hyperpuissance ?
-Le regard torve des 3 jeunes latinos bien entrainés qui m’ont piqué mon cartable sans la moindre vergogne dans le hall « majestueux » d’un grand hôtel du downtown.
Quelques bons souvenirs malgré tout :
-une visite d’Ellis island fraichement enneigée de 10 cm. Il faisait -10°C, les câbles étaient encore pris par le givre à midi. Et l’enfer de Wall st. loin, pas assez, mais loin quand même, l’Hudson river donnant une distance salutaire.
-la messe à Harlem avec un prêtre noir enthousiaste prêchant la bonne parole à des bourgeoises noires tirées à 4 épingles.
-et une comédie musicale gay pétillante jouée à off Broadway que je n’oublierai pas.
Boston m’a envouté, au grand dam d’une amie new yorkaise pur jus. NY m’a terrifié. Peut-être y reviendrai-je avant de mourir pour conjurer ce mauvais rêve ?
¿Quién sabe? Comme on dit en espagnol…
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