SPINIFEX

Alice Springs, dont j’ai parlé hier, est le point de départ pour d’autres visites qu’il serait dommage de manquer. Des circuits désormais classiques permettent de découvrir cette région d’une âpre beauté. 

De la même façon que le géographe britannique George Everest donna son nom à la plus haute cime de la planète (Chomolungma / ཇོ་མོ་གླང་མ  en tibétain), Henry Ayers, charpentier devenu capitaine d’industrie puis ministre, prêta le sien à un étrange monolithe : Ayers Rock, ou plutôt Uluru, île-montagne de grès au milieu du rien piqué de spinifex. La veille vous avez assisté au sunset en descendant des bières ; ce matin, de l’autre côté, vous admirez le sunrise en buvant du café. Vous voici maintenant sur le chemin qui fait le tour de la montagne, frappés par ces chaos de rochers, les sources secrètes, ce pays de serpents. La marche est facile. Gare cependant à ne pas pénétrer dans les secteurs interdits par les Aborigènes Anangu, propriétaires du site ; ces secteurs sont heureusement signalés et comme auréolés d’une nappe invisible de mystère : Uluru, centre exact de l’Australie, nombril secret du monde ? Je reconnais l’image facile et somme toute artificielle. Il faut surtout considérer le lieu pour ce qu’il est vraiment : un rocher sacré, un signifiant, un mythe minéral chargé de sens magiques auxquels, quoi qu’on en pense et dise, nous n’aurons jamais accès.

À quelques kilomètres de là, plus à l’ouest, les monts Olgas paraissent eux aussi bien mystérieux. Ils se profilent à l’horizon, tout en rondeur, du même grès rouge et rugueux que leur voisin encore visible au loin. Nous en parcourons quelques sentiers, engagés dans une gorge étroite où se disputent ombre et lumière tranchante. Plus loin encore, après une demi journée de route, ce sera le majestueux Kings Canyon, à  ne pas manquer. Là aussi les sentiers caillouteux, après avoir longé les falaises qu’on dirait découpées au sabre laser, plongent dans les tréfonds. Vous atteignez le Jardin d’Éden et vous passez un moment silencieux, à peine troublé par le passage de quelques perdrix. 

Enfin, et peut-être l’ai-je gardé pour conclure parce que c’est mon spot préféré, depuis les rues poussiéreuses d’Alice Spring, prenons la direction des Mac Donald Ranges. Dans une carrière d’ocre, repérons les peintures rupestres aborigènes, amusons-nous à tracer sur nos joues quelque signe ; à Standley Chasm, faufilons-nous entre deux parois rocheuses, écoutons nos échos ; remontons aussi la merveilleuse Serpentine Gorge, avec ses éboulis cyclopéens et la confidentialité de son lac, au bout du chemin. Au retour, autour d’un feu, nous partagerons de la viande de kangourou avec de braves campeurs.

De cette matière, on se fabrique des souvenirs inaltérables, puissants, de ceux qui  nourrissent longtemps.

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