CHARLEVILLE

Le samedi 7 mai, dans l’après-midi, après l’orage, la foule se répand dans la rue de la République, plutôt dans le sens sud-nord, c’est-à-dire en direction de la place Ducale. Ce sont des familles modestes (poussettes, barbe à papa), des jeunes en goguette (jupes courtes et serrées au cul, casquettes, survêts), des clochards, certains déjà bien chargés. L’attraction, sur la place, c’est le festival des confréries qui chaque année à la même époque sort Charleville-Mézières de son sommeil légendaire. Rimbaud né et enterré ici n’est pas pour rien dans la réputation de la ville, provinciale, ennuyeuse, assise… Par déformation professionnelle, je l’imagine le soir sortant de sa chambre donnant sur l’arrière-cour, franchir le seuil de l’immeuble, longer le quai Jean Charcot mal éclairé puis bifurquer vers la grande place où croisent, contentes d’elles-mêmes, les bedaines flamandes des bourgeois. Pourtant, aujourd’hui sous les arcades, prime le populo, l’esprit à la ducasse. Pas plus de chichis aux grandes tablées qu’autour des stands, près des bestiaux et des ballots de paille. Nous naviguons un moment sur des airs de flonflon, puis nous nous attablons à la Brasserie ducale. Le serveur a la moustache impériale, rassurante. Pas encore de pénurie de moutarde. L’andouillette s’impose naturellement. Sous nos yeux, par bandes, les confréries font le spectacle. On boit, on danse, on fraternise entre amoureux des terroirs, et ce n’est que plus tard, à la nuit tombée, que Danielle et moi regagnons les rues calmes, attentifs un moment à la sortie mécanique du grand marionnettiste aux doigts agiles et dorés.

Le lendemain, nous ne pouvions pas ne pas visiter la tombe du poète. À gauche, sa sœur Vitalie, à droite un énorme cyprès boursoufflé ayant avalé la tombe voisine. En quittant Charleville je pensai à ses escapades à pied vers Charleroi, Mons, la Belgique. Passait-il par Rocroi ? C’est en préparant notre voyage que j’avais repéré la ville fortifiée. Était remonté un souvenir de bataille, épisode du « roman national » au sujet duquel, aujourd’hui, on ferraille. Lorsque nous nous y sommes arrêtés, les remparts étaient baignés de brume. Des soldats armés y tuaient leur ennui, vague sourire aux lèvres. L’œil du dispositif de défense, la place de l’étoile, était en travaux. Sous le couvert de la halle un groupe d’hommes discutaient, impossibles à comprendre à cause de leur patois.

Et nous repartîmes, nous aussi, vers la Belgique, vers Bruxelles où nous dormirions le soir.

Demain, dernière étape provisoire, Laon.

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