
Depuis Hong Kong la route de Macao passe par la traversée – avec passeport obligatoire – de l’estuaire de la rivière Zhujiang autrement nommée la Rivière des Perles. Selon Euclide, les deux métropoles respectivement comme anciennement britannique et portugaise correspondent avec Canton, purement chinoise, aux sommets d’un triangle dont l’intérieur serait l’estuaire susnommé. Tout ce tralala phrastique pour dire que nous n’allions pas manquer de passer une journée dans ce que la mythologie populaire des romans coloniaux qualifie de Capitale du Vice. C’était la seconde fois que je me rendais à Macau mais la première que je repérais la statue de Vasco de Gama dominant la situation dans le jardin portant son nom et à l’emplacement duquel le touriste curieux, peut-être désireux de comparer le Gama en buste de Macau et le Gama gisant du monastère des Hiéronymites de Belém (Portugal), accédera en remontant la Calçada da Igreja de São Lázaro (mon vieux tropisme brésilien et portugais, auquel s’ajoute mon goût de la difficulté, me conduit, on l’aura peut-être remarqué, à caser le plus souvent possible des ã, des õ ou des ú dans mes billets, et d’autant plus lorsqu’il s’agit de la Chine ou de tout autre secteur attestant l’étendue et la variété géographique sinon du monde lusophone, du moins de l’expansion coloniale à l’origine de laquelle se trouvent les audacieux marins portugais). Outre la visite au buste du plus grands d’entre eux, je recommande à Macau la dégustation des pasteis de nata, si possible ailleurs que dans la rua da ressurreicão où, malgré un débit important garantissant leur fraîcheur, ces petits gâteaux crémeux éventuellement saupoudrés de cannelle peinent à supporter la comparaison avec ceux, légendaires, du 84 rua de Belém (au Portugal toujours). On aimera aussi la promenade volontiers mélancolique dans le quartier colonial (cimetière São Michael Arcanjo, église Nossa Senhora da Penha et son musée d’art religieux, Calçada das Chacaras, Rua da Sé, Beco de Lilau), soit qu’on considère que les vestiges du colonialisme suscitent en effet les sentiments mélancoliques – qu’on ait soi-même goûté jadis à l’atmosphère des colonies ou qu’on imagine celle-ci, littérature et cinéma aidant -, soit que l’histoire personnelle, avec ses remous, plonge invariablement certains en état de saudade aussitôt transportés dans l’univers des ruines ou pour le moins des restes de civilisations déchues. Faute de temps et d’appétence pour ce type de divertissement, nous nous sommes abstenus de jouer notre chemise dans les établissements affectés à cet usage. Je réprouve, personnellement, le faste de ces buildings qui, même à distance, dégagent tout à la fois l’odeur du lucre, du bling bling et de l’ennui. La fameuse tour Grand Lisboa, qu’on voit surgir partout et sur laquelle la terrasse arborée de la Fortaleza do Monte – à portée de canon – offre sans doute le meilleur poste d’observation, me fait d’ailleurs penser à un gigantesque esquimau (je parle de la glace) et me paraît très laide toute nimbée de pollution atmosphérique. Vers le soir, il s’agira alors de rentrer par le dernier ferry pour Hong Kong et peut-être se dira-t-on qu’on a bien voyagé.


















