Non, ce troisième voyage en Afrique pour cette année n’a pas eu lieu. Annulation de dernière minute pour des raisons indépendantes de ma volonté mais partie remise, cela va de soi.
Voici un an, je tournais la dernière partie de La vallée du chant du monde dans les neiges de Toussaint (!), du côté de la Haute Provence. Extrait de la voix off : « J’allais passer l’été très loin du pays de ma mère. Chacun tenterait de se mettre aux frais pendant les chaleurs charognardes, celles que Giono, durant sa vie, tâchait d’éviter lui-même en s’absentant de Manosque. Peu avant la Toussaint où la tradition familiale me ramène rituellement sur ces terres, je rencontrais là-haut Christian Garcin, romancier originaire de Prads. Il venait de boucler un tour du monde* et lui aussi, en cet automne, était retourné au pays. » Et Christian Garcin d’expliquer en effet, dans sa maison familiale des Alpes, cette double polarité personnelle du proche et du lointain, du confinement et des confins.
En cette nouvelle veille de Toussaint, alors que les températures si clémentes cette année semblent annoncer le grand dérèglement promis, je repense à la musique qui accompagnait les images des Trois sœurs en 2011. Antonia, Paulette, Raymonde, les petites bas-alpines, auraient-elles imaginé livrer leur récit sur fond de kora malienne ? Mieux encore, quand la kora pincée par le grand maître Toumani Diabaté rappelle les variations de Bach sur un thème de western spaghetti ?
Comme l’écureuil de Cendrars nous tournons affolés dans la cage des méridiens, novembre ressemble à décembre ou tout aussi bien à mai, Barles et les pentes du Blayeul résonnent de notes pensées à Bamako, le marin se retire dans sa cabine de quelques mètres carrés quand au dehors l’océan gronde…
Oui, si loin si proche, Antonia, Paulette, Raymonde, toutes trois de Barles, toutes trois du vaste monde.
* C. Garcin, T. Viel, Travelling, Jean-Claude Lattès, 2019.