CHICKEN OU… CHICKEN

Fidèle à ma démarche depuis 2010, je vais ainsi rappeler quelques souvenirs, des moments de rien ravivés par l’écriture, quelques photos, éventuellement un plan vidéo. Je connais des collectionneurs en tous genres. Moi, ce sont les souvenirs.

Nous sommes quelque part entre Borobudur et Magelang (Indonésie). Non sans mal j’ai fini par retrouver mon driver qui m’attendait à la Pintu 3 (« Pintu » signifie « porte » en indonésien), il fait nuit et j’ai faim. La confiance ne se mégote pas, Apan (j’ai déjà parlé de lui) va m’arrêter dans un restaurant de son choix, au bord de la route. Apparemment l’établissement, peu éclairé et poussiéreux dans ses parties arrière, est aussi un hôtel. Je suis le seul client. La carte est une photocopie recouverte de plastique. J’y reconnais du chicken et… du chicken. Allons-y donc pour le chicken surmonté de son œuf, mollet peut-être. Sur la toile cirée de la table est maintenant posée une bière Bintang ; elle réchauffe peu à peu tandis que je m’approche de cette carte de Java au mur, peu lisible à cause de la semi-obscurité. Apan, stoïquement, navigue de son tuk-tuk à une chaise, au fond. Il attend. Je lui ai demandé s’il désirait dîner. Il s’abstient, se réservant peut-être pour le repas familial, plus tard, lorsque nous serons rentrés. Maintenant, riz, chicken, verdure, œuf sont avalés, il reste le gros morceau, le pancake au chocolat sorti énorme de la cuisine où s’affairait tout à l’heure une femme, silencieuse. Le café, quant à lui, est servi dans un bock. Cela fait bientôt une heure que nous sommes là, personne n’est venu, deux ou trois mobylettes ont dû passer devant et c’est bien tout. Je sors mon paquet de roupies poisseuses; je remercie pour le service et la qualité réelle de ce repas roboratif. Sur le chemin du retour, Apan, malgré l’heure tardive, ne semble pas pressé de me lâcher. Il cherche pour moi un salon de massage ouvert, nous nous arrêtons un moment devant une maison proprette, mais l’établissement est réservé aux femmes, le foot massage si apaisant ne sera pas possible ce soir. Le tuk-tuk déchire le silence encore un moment, le chemin qui mène à mon hôtel est plein de nids de poule. Il est onze heures. Je descends. Le tuk-tuk disparaît dans la nuit.

GLAUQUE GLOBOK

« Difficile à aimer, Jakarta est l’une des plus grandes mégapoles au monde. Sa grisaille urbaine s’étend sur des dizaines de kilomètres dans une plaine propice aux inondations, où seuls de rares parcs brisent la monotonie du béton. » (Lonely Planet)
Ah ça c’est sûr, ici on n’est pas dans « l’esthétique du paysage ». Le quartier de Taman Fatahillah est sympa, bonne ambiance, mais à Globok, où se situe mon hôtel, c’est disons plus calme… On n’y rencontre personne, sauf peut-être un jeune routard français un peu perdu. Il se reconnaîtra et je lui souhaite d’avoir trouvé rapidement une petite bicoque sans prétention.

PS : cet article est dédié à un certain Nicolas R. Il se reconnaîtra aussi ! 🙂

JOGJAKARTA : DU TOURISME TEMPÉRÉ ?

Je me rappelle avoir croisé la route d’un appelé nommé à Jogjakarta à l’époque où, jeune VSN (Volontaire du Service National), j’étais moi-même envoyé à Accra (Ghana), pour le compte du Ministère des Relations Extérieures. C’était en 1983. Combien de Français vivent aujourd’hui à Jogjakarta, au pied du volcan Gunung Merapi ? Je l’ignore. En revanche force est de constater que la rue de mon hôtel est bondée de touristes et donc d’établissements censés en satisfaire tous les besoins : bureaux de change, tour-opérateurs, restaurants français, cafés Cuba Libre, boutiques d’artisanat, salon de massage (moins bien qu’aux Philippines), tuk-tuk à moteur ou à pédales. Le soir venu, on se croirait dans un Juan-les-Pins un peu baba cool, la tenue réglementaire étant, pour les mecs, le short et les sandales scratch, pour les filles, le petit débardeur sexy, la jupe longue en batik (achetée le jour-même) et les sandales (mais pas scratch). Bali doit présenter les mêmes caractéristiques, comme certains coins de la Thaïlande.
Hier, de retour de mon périple à Borobudur, j’ai fini par me jeter dans la ville pour tomber par hasard sur une énorme teuf nationale, la célébration des 70 ans de l’Indépendance. République autoritaire, culte de la personnalité, islam modéré (?), tourisme et badminton tiennent ici le haut du pavé. C’est approximativement ce que je perçois mais je dispose de trop peu d’éléments pour en dire davantage. Une autre fois peut-être.
Ce soir je suis de nouveau à Jakarta. Mon hôtel est pourri, c’est la première fois du voyage, il fallait bien que ça arrive.
Dans deux jours Dubaï et le Détroit d’Ormuz.
On se rapproche.

BOROBUDUR LA MERVEILLE

Le temple de Borobudur est une merveille du bouddhisme datant du VIIIe siècle. Il a été édifié sous la dynastie Sailendra, oublié pendant des siècles, recouvert des cendres du volcan, redécouvert au début du XIXe, restauré patiemment et déclaré patrimoine mondial de l’Unesco. Qu’on ne se fie pas aux photos qui m’ont valu quelques contorsions et acrobaties ; le tourisme est roi ici, j’ai visité le temple au coucher du soleil et dans la matinée aux côtés de milliers de personnes venues admirer comme moi les Stupas, curieuses cloches ajourées contenant un statue du Bouddha. L’ensemble forme une pyramide qu’on parcourt étage par étage en observant les détails des bas-reliefs. J’ai mieux compris ce que me disait Sony au sujet de ses compartiments : il reprend en effet l’immense jeu de construction du temple. Côté Sud, en cherchant un peu, on tombe sur la représentation d’un navire. Un australien, voici quelques années, a eu l’idée de faire construire un bateau sur le modèle de Borobudur et, en 2003, l’Odyssée a conduit le navire de Java au Ghana, en passant par l’Océan Indien, Madagascar, Cape Town, jusqu’en Afrique de l’Ouest. Je trouve ce genre d’idée merveilleuse aussi.

LES BIKERS SONT DE SORTIE

Après quelques larmes et huit heures d’avion, on se retrouve à Jakarta. Il fait nuit, les embouteillages sont monstrueux. Puis, après une nuit de sommeil, on reprend l’avion pour Yogyakarta. Il fait jour, les embouteillages sont monstrueux… Cela pourrait être tout, mais voilà, il reste encore un peu d’énergie, tentons une sortie, vers Prambanan par exemple, « les plus beaux vestiges de la période hindou à Java » (Lonely planet). Pour cela, prendre le bus 2A, laisser passer trois arrêts, descendre et prendre le 3A, descendre au premier arrêt, attendre et monter dans le 1A quand il arrive. L’effort, il faut le dire, est amplement récompensé : les temples de Prambanan, au coucher de soleil, sont merveilleux. Ce qui est puissant aussi, c’est le moment où, alors que les vieilles pierres s’enflamment, les muezzins donnent de la voix. Moment magique que souligne par ailleurs le son de la techno parade qui semble vouloir commencer non loin de là. C’est que les bikers de toute l’Indonésie se sont donné rendez-vous devant les ruines. Alors je me balade au milieu des Harley Davidson, en pensant à mon cousin Robert et à ma cousine Brigitte !