SEUIL

 

 

Commence ici le compte rendu d’un voyage au long cours. J’aime cette expression empruntée au monde de la mer, à sa navigation, mais c’est spontanément vers l’alpinisme que me porte l’esprit pour distinguer la voie normale de ces itinéraires moins convenus, tel enchaînement d’arêtes aux confins d’un massif, telle jonction inattendue entre deux ou trois montagnes que des vallées cachées séparent. On suivra donc avec ces nouveaux carnets l’itinéraire suivant : de Lisbonne à l’Archipel du Cap-Vert – quatre de ses îles -, du Cap-Vert au sud du Sénégal – cette ville au nom abracadabrant de Ziguinchor – puis, de là, les lisières de Guinée-Bissau (nouveau pays lusophone), la traversée aventureuse de la Gambie, plus loin Casablanca vacante, pour revenir à Lisbonne, la Serra da Estrela, les plaines océanes d’Extremadura (je dirai pourquoi) et, par un dernier après-midi plombé, Madrid, chic et sage. De ce « parcours illogique » – où comme toujours je me fis regardeur – seront partagées les surprises, l’émotion, les fatigues. En mots comme en images, de la géographie par les pieds et en histoire, en rencontres, où croiseront parfois les auteurs.

Depuis Nice, avant la première nuit à Praia, il me fallait combler quelques heures à Lisbonne. Je décidai de les passer près du pont que je franchirais quatre semaines plus tard, au-dessus du Tage qui est ici une mer. Sa géométrie impose le noir et blanc tandis que son nom, Vasco de Gama, invite déjà aux grandes traversées, aux rêveries cosmiques, quand nous ne serions que des nains privés d’héroïsme (ou, comme dit Maupassant, des bourgeois privés d’herbe). Au pied de la double pile ouest j’étais seul. Personne ne traîne ici. Je prétends pourtant à une esthétique du vide et y reviens souvent. Plus qu’un besoin, c’est un style d’abord; peut-être aussi la nécessité, parmi d’autres, d’un périple se voulant singulier.

Cette fois, le pont sur le Tage en aura été le seuil. Je vous propose de le franchir demain.

 

 

LE VOYAGEUR ET LE PASSÉ

Je me suis rendu pour la première fois au Portugal en 1982. Nous avions entrepris de faire le tour de la Péninsule Ibérique en une semaine et en 2CV, ce qui laisse deviner le nombre d’heures passées à rouler. À Salamanque, première étape du périple depuis Toulouse, nous nous sommes fait voler le matériel photo. Je me souviens avoir couru derrière deux types en criant « POLIDZIA ! POLIDZIA ! », mot qui n’existe pas, ni en Espagne ni ailleurs, mais que tout le monde comprend quand même. Les voleurs cependant couraient beaucoup plus vite que moi, et nous avons poursuivi le voyage sans pouvoir prendre de photos (la catastrophe), demandant à quelques touristes de bien vouloir nous prendre et de nous envoyer le cliché quand ils l’auraient développé. Nous en avons reçu un, quelques semaines plus tard, posté depuis l’Uruguay.

Hé oui, c’était tout une histoire encore, un autre époque. À Nazaré, première petite ville du Portugal où nous avons campé, une panne d’électricité a plongé le restaurant dans le noir et nous avons fini le dîner à la bougie. Je n’ai qu’un vague souvenir de Lisbonne, le lendemain. Nous avions dormi dans une auberge de jeunesse et le seul vrai détail qui me revienne est la découverte dans le Bairro Alto du porco a alentejana, souvenir gastronomique que je range au sommet de mes émotions gustatives, juste au-dessous de la fameuse pintade du parc national de la Kéran au nord du Togo (futur article…) ! En 1982, le Portugal n’était déjà plus une dictature mais le pays semblait marqué par les temps sombres ; le rattachement économique à l’Europe n’était pas encore à l’ordre du jour et le Tage menaçait la praça do comércio, du moins c’est l’impression que je m’en étais faite.

Les photos qui accompagnent cet article, à l’exception de la première, ont donc été prises à l’occasion d’autres voyages. Lisbonne… Je ne me lasse pas de cette ville. Mais pour finir l’histoire de ce premier périple, j’ajouterai simplement que nous avons poursuivi jusqu’à Séville, découverte pendant la Semaine Sainte (processions impressionnantes), et Vall de Uxió, près de Valence, où je cherchais déjà à retrouver les traces d’un premier passage, en 1978, en compagnie de mes cousins Dominique et Gérard. Il faudra d’ailleurs que je recherche les photos de cette équipée mémorable, d’une certaine façon fondatrice. Ce sera encore l’objet d’un prochain article, d’un autre voyage dans le temps.

SONHO EM LISBOA

Je me suis rendu une première fois à Lisbonne en 1982 et depuis je reviens sans cesse à cette ville. Un jour prochain, je compte réaliser un nouveau film qui ne sera ni un documentaire, ni un blockbluster. Plutôt une sorte de songe, flou, comme le sont – volontairement ou non – certaines images, certains messages.

DUETOS DA SÉ

Certaines images du film ILS ont été tournées à Lisbonne. C’est une de mes villes de coeur et je souhaite y consacrer plusieurs articles. J’ai rencontré Carlos et Eduardo Lála lors de mon avant-dernier séjour là-bas. Ils allaient inaugurer leur nouvel établissement, un magnifique café bar restaurant au cœur de l’Alfama : le Duetos da Sé. Carlos m’a dit que tout marcherait par deux chez eux, deux frères comme les deux tours de la Sé Velha, puis il a ajouté : ce sera un établissement « anti crise » ! Nous nous sommes donné rendez-vous pour la soirée d’ouverture et je leur ai proposé de tourner ce petit film d’ambiance.

Ce fut un plaisir et je suis heureux de participer à ma façon au baptême de ce bel endroit ; je le recommande chaudement !

http://www.duetosdase.com