C’est avec ma première carte d’Afrique que reprend ma série CARTES et je vais expliquer pourquoi.
En 1979 je me rendais pour la première fois en Afrique en compagnie de mes amis Jacques Bianchi et Patrick Palmero. Les compagnies UTA et Air Afrique nous propulsaient à Abidjan (Côte d’Ivoire) en passant par Nouadhibou (Mauritanie) et fournissaient aux passagers un petit kit de voyage comprenant la carte téléchargée ci-dessus. Je l’ai conservée précieusement depuis, tel un talisman. Au gré de mes déménagements, elle est passée d’un mur à l’autre. Qui me rendra visite, aujourd’hui, pourra la trouver sans peine.
On voit sur cette carte le tracé approximatif de mes premiers voyages. Or l’idée d’écrire un nouvel article à partir de ce document vient d’une lecture récente de l’ouvrage d’Arnaud Maïsetti, une biographie très bien documentée du dramaturge Bernard-Marie Koltès. Selon Maïsetti, l’œuvre de Koltès est directement inspirée de ses voyages, le jeune auteur puisant dans l’expérience la matière de son théâtre. Koltès lui-même, dans sa volumineuse correspondance, n’a jamais fait mystère du caractère décisif de sa rencontre avec l’Afrique (plus tard d’ailleurs avec l’Amérique Centrale et New York aussi). Dans une lettre à son mentor, le metteur en scène Hubert Gignoux, voici comment il décrit son arrivée à Lagos (Nigeria) en février 1978, c’est-à-dire une année seulement avant mon propre voyage :
« Les cinq premiers jours furent assez terrifiants : débarqué à Lagos, personne n’était prévenu de mon arrivée – ma lettre est arrivée ici en même temps que moi –, et après deux heures éprouvantes de contrôle dans le minuscule aéroport, étuves encombrée et bruyante, j’appris d’abord qu’Ahoada, ma ville de destination, était distante de plus de huit cents kilomètres, sans argent pour prendre l’avion, sans train ; et, après que quelques Blancs serviables et attentionnés m’eurent par un long sermon mis en garde contre tous les risques de vol, d’assassinat et autres friandises qui m’attendaient si je voyageais seul, puis planté là, sans un regard, pour rejoindre leurs grosses voitures américaines, je suis sorti en me protégeant la tête de mon sac, et vis d’abord ceci : sur le terrain grouillant de monde qui s’étend devant l’aéroport, une voiture vient d’en accrocher une autre. Attroupement, cris, désordre ; arrive la police en force. Trois flics sortent le chauffeur qui pleure de sa voiture, le mettent à genoux, et le frappent à tour de rôle de leur cravache, et recommencent, au milieu d’une foule mi hilare, mi distraite, et le sang coule dans le sable. »
Plusieurs versions seront données de cet épisode, expérience fondatrice au seuil de l’œuvre en devenir : « J’ai avancé dans la foule et me suis heurté immédiatement à une barrière invisible, mais omniprésente, qui mettait symboliquement les Blancs d’un côté et les Noirs de l’autre. J’ai regardé vers les Noirs. J’avais honte des miens ; mais une telle haine brillait dans leurs regards que j’ai pris peur, et j’ai couru du côté des Blancs. » (Entretien avec Njali Simon dans Bwana Magazine -1983, cité par Arnaud Maïsetti).
Ces impressions de chaos et ce décalage, je ne suis pas loin de les avoir connus moi-même, à l’arrivée à Abidjan d’abord. La nuit était tombée, les passagers du DC10 descendaient directement sur la piste, et c’est l’épaisseur humide de l’air qui nous avait immédiatement saisis. Ma mémoire me fait défaut, je suppose que M. Martinoïa est venu nous chercher pour nous jeter très vite dans un hôtel du « quartier européen », le Plateau, en quelque sorte à l’abri. Le souvenir le plus net se situe plutôt le lendemain lors de la première sortie, au petit matin… Exclusivement « des Noirs » dans les rues, des centaines de Noirs ! Cela semble ridicule, raconté ainsi, mais c’était bien ce jour-là la teneur de notre expérience, nous, jeunes qui n’avions encore rien vu, qui vivions sur la Côte d’Azur, qui n’étions jamais sortis. L’impression la plus forte, néanmoins, vient quelques années plus tard au moment de mon arrivée à Accra (Ghana). En compagnie de mon camarade Jean-Jacques Ponza, je débarquais une nouvelle fois sur le continent, non plus en touriste mais en « coopérant ». Tandis que la Côte d’Ivoire francophone de Félix Houphouët-Boigny passait pour la nation modèle (capitaliste) de l’Afrique, le Ghana anglophone de Jerry Rawlings (marxiste) souffrait d’une fâcheuse réputation révolutionnaire. L’arrivée à Kotoka Airport vous secouait, c’est le moins que je puisse dire.
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« Les hommes étaient partout qui se pressaient à l’entrée du grand hall, derrière une haute grille de fer délimitant la zone free, autour des voitures fumantes, sur la route, le long du trottoir de béton armé. Ils se gueulaient aux oreilles, se disputaient la place, jusqu’à se battre. Mais bientôt se risquaient les visages inquiets, aussitôt aspirés, happés par la nuit profonde et bruyante. Dans la cohue, des types rabattaient les clients, les tiraient vers les coins ou sous les arbres que nimbait froidement la lueur lointaine des pistes. Là, rapidement, sans palabres, s’échangeaient les dollars bien propres contre de gros pavés de billets mous et poisseux. Et puis, dans un déchaînement, s’envolaient les valises, sacoches, attachés-cases, raquettes de tennis, arrachés sans peine des mains pourtant crispées, emportés à bout de bras au-dessus du grouillement des têtes, expédiés finalement jusqu’aux coffres des taxis, miraculeusement entiers. »
C’est une version romancée datée du début des années 90 et j’y vois l’influence de mes lectures naturalistes de l’époque. Une « curée » est décrite ici, non sans rapport avec la réalité de l’expérience vécue, que je retrouve donc aussi à travers le récit fait par Koltès de sa propre arrivée, non à Accra mais à Lagos, dans le pays voisin.
Quand je regarde la carte et m’intéresse de près à la bande côtière nigériane – une vaste mangrove correspondant peu ou prou au delta du Niger –, je me dis qu’en effet le voyage entre Lagos et Ahoada (localité non signalée sur la carte d’Air Afrique située au sud-est de Warri) ne devait pas être simple. Koltès dit avoir mis cinq jours quand, aujourd’hui, il semble possible – théoriquement – de rejoindre Ahoada depuis Lagos en prenant un avion pour Port Harcourt. En 1978, Koltès se rendait auprès de son amie d’enfance Bichette, institutrice en poste avec son mari sur un chantier de la société Dumez, isolé, coupé du reste de la ville, protégé par des barbelés et des miradors : le futur décor de sa pièce, Combat de nègre et de chiens. Depuis Lagos, il avait donc, je le suppose, emprunté des taxis-brousse et des pirogues, allant de chantier en chantier. Sur la route, dit-il, des cadavres étaient laissés à l’abandon, en décomposition.
Le Nigeria, lorsque Koltès y débarque, est encore en pleine période d’euphorie ; l’argent de la manne pétrolière enrichit outrageusement une petite élite corrompue jusqu’à l’os, bien soutenue par les compagnies européennes avides d’immenses profits. C’est l’époque de l’enfermement de Feka Kuti et de sa résistance – Black man’s cry – à Kalakuta. Les campagnes se vident, des centaines de milliers d’immigrés viennent chaque année congestionner un peu plus les grandes métropoles. Lagos devient en quelques années le monstre incontrôlable qu’il demeure encore aujourd’hui, l’ancienne capitale coloniale devenue au fil du temps un conglomérat de bidonvilles gigantesques parfois gagnés sur la mer comme le faubourg lacustre de Makoko.
En janvier 1982, peu après le passage de Koltès, alors que la récession dans les pays développés commence à impacter le commerce international, le régime autoritaire de Shehu Shagari décidera l’expulsion manu militari de plusieurs millions d’étrangers dont un million de Ghanéens, boucs émissaires de la crise jetés sur les routes, avec une violence que laissent aujourd’hui imaginer les photographies du Paris-Match du 11 février 1983 (avec, cette semaine-là, Louis de Funès en couverture).
À vrai dire, le Nigeria traversé par Koltès a toujours eu une réputation d’enfer, notamment vu depuis Accra où je résidais au cours de cette période de trouble. Un ami, en poste comme moi à l’Université de Legon, avait été envoyé à Lagos pour une mission culturelle. Revenu à Accra, il m’expliquait que la ville était un vaste tas d’ordures, un coupe-gorge. Ce pays était celui des fous et j’appris plus tard que du côté du delta (et donc d’Ahoada) il pleuvait de la suie.
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Alors Ahoada ? Koltès y est resté peu de temps, passant ses journées à rôder dans le camp, s’échappant parfois dans cette zone d’entre d’eux qu’est la mangrove, là où on ne sait au juste si l’eau est douce ou salée. Pas plus. Selon son frère François, il était de toute façon une éponge. Simenon n’avait séjourné qu’un petit mois en Afrique et avait tiré de l’expérience quatre superbes romans, dont le fameux Coup de lune : « Bernard, dit son frère, c’est plutôt quelqu’un comme ça. » (entretien avec Elisabeth de Pablo – 2009. FMSH / ESCOM).
« Lieux :
La cité, entourée de palissades et de miradors, où vivent les cadres et où est entreposé le matériel :
– un massif de bougainvillées ; une camionnette rangée sous un arbre ;
– une véranda, table et rocking-chair, whisky ;
– la porte entrouverte de l’un des bungalows.
Le chantier : une rivière le traverse, un pont inachevé ; au loin, un lac. »
Bernard-Marie Koltès, Combat de nègre et de chiens, 1989.
C’est la didascalie liminaire de la pièce. En 1983, Chéreau la monte au Théâtre des Amandiers de Nanterre dont il est devenu le directeur. Avec Koltès et son décorateur attitré, Richard Peduzzi, il a fait peu de temps auparavant le voyage au Nigeria pour s’imprégner de son atmosphère. Dans un entretien audiovisuel accordé à Georges Banu, voici comment Peduzzi relate l’affaire :
« On est allés en Afrique avec Bernard Koltès, on est allés à Lagos et on est allés… on a fait le tour du Nigéria… C’était hallucinant, d’ailleurs, ce qu’on a vu là, à ce moment-là. On voyait des morceaux, des tronçons d’autoroute qui se construisaient, que des rois, des seigneurs, faisaient construire, et finalement ça s’arrêtait, ça n’allait nulle part, on interrompait le truc, et c’était comme ça. (…) Il y avait tout le temps des accidents de voiture sur les chantiers parce qu’ils conduisaient à fond la caisse dans la brousse et les trucs (les véhicules) se retournaient. Donc, il y avait un camion renversé, avec les charognards, les oiseaux autour, il y avait des cadavres, il y avait tout ça. Enfin, tu vois, c’était un truc… mais à crever. Moi je ne tenais pas dans la voiture. Bernard était très stoïque, il voyait tout ça, il devait prendre des notes. Moi j’étais absolument sous le siège. Voilà.
Georges Banu
Tu es parti de cette expérience.
Richard Peduzzi
Je suis parti de cette expérience de l’autoroute et il se trouve qu’à Nanterre, près du théâtre, il y avait plein de morceaux d’autoroute, comme ça, en béton, en ciment. Donc j’ai fait d’une pierre deux coups, j’ai revu les autoroutes dans ma tête, on avait des photos qu’on avait prises au Nigéria (sonnerie de téléphone)… et j’allais sur place prendre sur le vif de Nanterre les… pardon… les autoroutes. Et j’ai pensé… On a pensé avec Chéreau, on a discuté tous les deux là-dessus, que ça se passait sous une autoroute en fait, puisque c’est l’histoire du chantier, du corps qu’on ne retrouve pas et de tout ça. » (Il répond au téléphone.)
Le spectacle connaîtra un succès critique et public considérable, lançant enfin la carrière de Koltès. Chéreau mettra en scène toutes ses pièces nouvelles (à l’exception de Roberto Zucco), avant que le dramaturge ne meure des suites du SIDA en 1989.
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Google Maps street view Ahoada – Captures d’écran.
Je ne retrouve la trace d’aucun chantier Dumez aujourd’hui à Ahoada. L’entreprise de BTP est toujours présente au Nigeria (voir ici : https://www.dumeznigeria.com) mais, vu de satellite, il est difficile de repérer quoi que ce soit dans les parages arpentés par Koltès en 1978. En passant en 2D puis en street view, Ahoada ressemble à n’importe quelle agglomération africaine intermédiaire entre brousse et zone urbaine, les grands axes routiers se caractérisant par l’abondance des camions de marchandises, certains en panne, arrêtés dans un mélange de terre, de cambouis et de restes, organiques ou non.
Qui a un peu voyagé dans ces contrées le sait. L’Afrique urbanisée ressemble à ces captures d’écran. Dumez a dû quitter Ahoada mais la ville est restée ce vaste chantier abandonné, friche de terre brûlée et mauvaise, traversée de routes, de canaux insalubres, jadis rivières. On y passe, on y commerce, la vie s’y tient sous des appentis, des arbres, à l’abri des camions, tantôt avec langueur, tantôt hardie, véhémente. Il n’y a pas de soleil. Parfois, « un tourbillon de sable rouge portant des cris de chien couche les herbes et plie les branches, tandis que monte du sol, comme une pluie à l’envers, une nuée d’éphémère suicidaires et affolés qui voile toute clarté. »
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Sur la carte que je redonne ici légèrement agrandie, les observateurs auront-ils repéré une autre curiosité « littéraire » ?
Oui, bien trouvé ! Onitsha ! Onitsha, sur le fleuve Niger, en amont de Port Harcourt, titre – c’est là le point – du roman de Jean-Marie Gustave Le Clézio publié en 1991.
« Il y avait ce nom, aussi, qu’elle avait répété chaque jour, pendant la guerre, à Saint-Martin, à Santa Anna, puis à Nice, à Marseille, ce nom comme une clef à tous ses rêves. Alors chaque jour elle le faisait dire en cachette à Fintan, pour que la grand-mère Aurélia et la tante Rosa ne l’entendent pas. Il prenait un air grave qui l’intimidait presque, ou lui donnait le fou rire. ‟ Quand on sera à Onitsha… ” Il disait : ‟ Est-ce que c’est comme ça, à Onitsha ? ” Mais il ne parlait jamais de Geoffroy, il ne voulait jamais dire ‟ mon père ”. Il pensait que ça n’était pas vrai. Geoffroy était simplement un inconnu qui écrivait des lettres. »
Et plus loin :
« Il n’avait jamais vu tant d’espace. Ibusun, la maison de Geoffroy, était située en dehors de la ville, en amont du fleuve, au-dessus de l’embouchure de la rivière Omerun, là où commençaient les roseaux. De l’autre côté de la butte, vers le soleil levant, il y avait une immense prairie d’herbes jaunes qui s’étendait à perte de vue, dans la direction des collines d’Ihni et de Munshi où s’accrochaient les nuages. »
Onitsha, pour Le Clézio, c’est l’espace du père absent puis retrouvé lorsqu’en 1948 l’enfant et sa mère quittent Bordeaux pour le rejoindre sur « un navire de trois cents tonneaux » (Holland Africa Line). Il est alors médecin militaire pour le gouvernement colonial britannique, ce que racontera aussi le récit autobiographique intitulé L’Africain (2004).
« À l’âge de huit ans à peu près, j’ai vécu en Afrique de l’Ouest, au Nigeria, dans une région isolée où, hormis mon père et ma mère, il n’y avait pas d’Européens, et où, l’humanité, pour l’enfant que j’étais, se composait uniquement d’Ibos et de Yoroubas.»
Là encore, la rencontre avec l’Afrique est décisive en ce qu’elle recoupe la quête des origines (d’un paradis perdu ?), initie au regard relatif et, en même temps, fonde la conscience de l’horreur. Ces Yorubas et ces Ibos – qui furent pour l’enfant de huit ans la seule humanité – sont ceux-là même qui s’exterminent à partir de 1968 dans le terrible conflit du Biafra.
Extrait de L’Africain :
« En 1968, tandis que mon père et ma mère regardent monter sous leurs fenêtres, à Nice, les montagnes d’ordures laissées par la grève générale, et tandis qu’à Mexico j’entends le vrombissement des hélicos qui emportent les corps des étudiants tués à Tlatelolco, le Nigeria entre dans la phase terminale d’un massacre terrible, l’un des grands génocides du siècle connu sous le nom de guerre du Biafra. Pour la mainmise sur les puits de pétrole à l’embouchure de la rivière Calabar, Ibos et Yoroubas s’exterminent, sous le regard indifférent du monde occidental. Pis encore, les grandes compagnies pétrolières, principalement l’anglo-hollandaise Shell-British Petroleum, sont partie prenante dans cette guerre, agissent sur leurs gouvernements pour que soient sécurisés les puits et les pipe-lines. (…)
La guerre civile devient une affaire mondiale, une guerre entre civilisations. L’on parle de chrétiens contre musulmans, ou de nationalistes contre capitalistes. Les pays développés retrouvent un débouché pour leurs produits finis : ils vendent dans les deux camps armes légères et lourdes, mines antipersonnel, chars d’assaut, avions, et même des mercenaires allemands, français, tchadiens, qui composent la 4e brigade biafraise au service des rebelles d’Ojukwu. (…) Devant l’avancée d el’armée fédérale, en proie à une folie vengeresse, la population civile fuit ce qui reste du territoire biafrais, envahit les savanes et la forêt, tente de survivre sur les réserves. À partie de septembre, il n’y a plus d’opération militaire, mais des millions de de gens coupés du reste du monde, sans vivres, sans médicaments. Quand les organisations internationales peuvent enfin pénétrer dans la zone insurgée, elles découvrent l’étendue de l’horreur. Le long des routes, au bord des rivières, à l’entrée des villages, des centaines de milliers d’enfants sont en train de mourir de faim et de déshydratation. C’est un cimetière vaste comme un pays. (…)
J’ai vu les images terribles dans tous les journaux, les magazines. Pour la première fois, le pays où j’avais passé la partie la plus mémorable de mon enfance était montrée au reste du mode, mais c’était parce qu’il mourait. Mon père a vu aussi ces images, comment a-t-il pu accepter ? À soixante-douze ans, on ne peut que regarder et se taire. Sans doute verser des larmes. »
Comme les lettres de Koltès sur sa découverte de l’Afrique, ces pages de Le Clézio me renvoient à ma propre mémoire. Parmi mes premières images de l’Afrique, il y a aussi ces clichés terribles pris au Biafra, tel celui que Gilles Caron prend de son ami Depardon en train de filmer la famine. Ma grand-mère paternelle, quant à elle, au moment d’apprendre que je partais en Afrique, s’était inquiétée de me voir bientôt la bouche infestée de mouches, image saisissante que sa conscience avait imprimée en feuilletant les magazines ou en regardant les reportages télévisés sur les tragédies africaines de la faim.
Photo ©Gilles Caron / Fondation Gilles Caron
Aujourd’hui, Onitsha, sur les bord du fleuve Niger, est une ville de 1 483000 habitants. Il suffit de taper ONITSHA dans Google Images pour avoir une idée, à côté des couvertures du bouquin de Le Clézio, d’une ville surpeuplée, rayée de routes, noyée sous les ordures. Bien sûr, il faudrait aller y voir de plus près. On ne devient pas spécialiste de la situation nigériane en quelques clics, quelles que soient sa curiosité et sa bonne volonté.
En 2016, voici ce qu’expliquait le quotidien nigérian The Guardian, média indépendant.
« Le mot « Afrique » évoque souvent des images romantiques d’éléphants traversant le Kalahari, des eaux tumultueuses aux chutes Victoria ou des vues panoramiques depuis Table Mountain. Mais un spectacle de plus en plus courant pour les Africains – en particulier ceux du Nigeria – est celui du smog, des déchets et de l’eau polluée. Selon un nouveau rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), quatre des pires villes du monde en matière de pollution de l’air se trouvent au Nigeria. Onitsha, État d’Anambra – une ville dont peu de gens en dehors du Nigeria ont entendu parler – a l’honneur indigne d’être étiquetée ville la plus polluée au monde pour la qualité de l’air, d’après les mesures de concentration de petites particules (PM10). Onitsha a en enregistré 30 fois plus que les niveaux recommandés par l’OMS. »
Information factuelle.
Afrique… Comment ça va avec la douleur ?…
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