Mon premier voyage en Afrique remonte à 1979. Gac, Patrick et moi sommes partis pour la Côte d’Ivoire et nous avons parcouru le pays d’Est en Ouest et du Sud au Nord jusqu’à ce qu’on appelait encore la Haute-Volta. C’est un voyage mémorable. À cette époque, nous tournions en super 8, d’où la qualité moyenne du document mis en ligne aujourd’hui. C’était la grande période de la Filmatec, une « petite entreprise » qui a été notre passion pendant ces années heureuses. Dans l’extrait présenté ici, nous nous trouvons du côté de Man, dans l’Ouest du pays. Cette région, très proche de la frontière du Libéria, a été le théâtre de terribles violences lors de la guerre civile des années 2000. Les enfants que l’on voit sur le film sont évidemment devenus des adultes mais leurs propres enfants sont eux-mêmes devenus des « soldats », drogués à la colle, maniant la machette et la Kalachnikov. Ainsi, lorsque je retournai en Côte d’Ivoire en 2004, la guerre battait son plein. Abidjan était désormais une ville immense et dangereuse. À l’hôtel du Golfe où je logeais, on pouvait croiser les militaires de l’Onu et, curieusement, à la sortie de l’ascenseur, un bataillon de filles sublimes préparant le concours de Miss Côte d’Ivoire sous la houlette d’une matrone pas commode. J’ai tenu un journal pendant ce séjour, notant les impressions qui étaient les miennes au sujet de ce retour vers l’Afrique. Généralement, j’écrivais le matin, au petit déjeuner, installé sur la terrasse de l’hôtel donnant sur la piscine. C’est là qu’Alassane Ouattara a dû se réfugier pendant plusieurs semaines en 2010 tandis que Laurent Gbagbo s’accrochait au pouvoir. Malheureusement, ce carnet, je l’ai oublié dans l’avion du retour. J’ai vécu cette perte comme une très désagréable frustration parce que je m’aperçois que les voyages que je fais prennent du sens dans leur poursuite, par mots et images interposés.